Polydiapirs dans la croûte terrestre par une modélisation mécanique 3D
La tectonique des plaques considérant une lithosphère rigide n’est pas applicable à l’échelle de la croûte dans les zones de convergence de plaques, notamment lorsque la croûte fond partiellement du fait de son échauffement. Dans ce cas, les roches partiellement fondues sont moins denses et mois résistantes, ce qui génère des instabilités gravitaires, formant des diapirs (comme un ballon remontant du fond d’une piscine) ou bien des cellules de convection (comme le bouillonnement de l’eau dans une casserole). Ces instabilités redistribuent la matière au sein de la croûte et participent donc à sa différenciation chimique, contrôlant notamment la concentration en minéralisations d’intérêt économique. Ainsi, déterminer les conditions requises pour le développement de ces instabilités gravitaires est crucial pour comprendre l’évolution de la croûte continentale, et aujourd’hui on ne peut plus se contenter de solutions analytiques ou de modèles 2D.
Dans le cadre de la thèse d’Aurélie Louis-Napoléon, une collaboration entre géologues, géodynamiciens du GET et dynamiciens de l’Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse (IMFT) a été lancée autour de la méthode numérique dite VOF (Volume-Of-Fluid), initialement dédiée à des problèmes d’écoulements de gouttes et réputée pour conserver les interfaces et les masses en grandes déformations. Nous avons ainsi testé deux codes basés sur une méthode VOF et l’avons appliquée pour la première fois à la dynamique d’une croûte chaude épaissie (orogénique). Nous avons comparé avec succès les solutions 3D d’instabilités de Rayleigh-Taylor (couches de densité et viscosité constantes mais différentes entre elles) puis de Rayleigh-Bénard (couches dont la densité et la viscosité varient en fonction de la température).

Une application préliminaire est réalisée sur la dynamique de la croûte orogénique de l’île de Naxos (Grèce) à environ 16 Ma, qui, caractérisée par une structure de dômes métamorphiques imbriqués, est supposée être le résultat d’un scénario en deux épisodes de convection et de diapirisme. La temporalité et les dimensions des instabilités gravitaires modélisées corroborent les estimations analytiques pour les dômes de Naxos, et démontrent ainsi leur impact sur la restructuration et la différenciation de croûtes orogéniques.
La suite de l’étude vise à incorporer des rhéologies plus complexes et plus réalistes pour la fusion partielle, afin d’évaluer l’enchaînement naturel de ces deux épisodes de convection et de diapirisme dans la croûte de Naxos : rendez-vous dans 6 mois pour la suite du feuilleton!
Contacts.
Aurélie Louis-Napoléon (IMFT)
Muriel Gerbault (GET)
Thomas Bonometti (IMFT)