L’énigme de la formation de la Montagne Noire enfin résolue

Au cours de l’érection de la chaîne de montagnes varisque au Carbonifère (entre 360 et 300 millions d’années), au lieu de s’avancer vers le sud sur l’avant-pays languedocien comme on l’a longtemps pensé, les terrains de la Montagne Noire ont été poussés vers le Nord pour s’écraser le long de la faille coulissante des Cévennes. Cette faille a ensuite vu son sens de glissement s’inverser, contribuant ainsi avec d’autres grands décrochements au découpage de la chaîne varisque en une mosaïque de blocs à l’échelle de l’Europe.

Schéma de la chaine de collision varisque à la fin de l’ère paléozoïque montrant le contexte de la faille des Cévènnes de la Montagne Noire © D. Chardon, Tectonophysics 2020, d’après Ballèvre et al., 2013

Une analogie est classiquement faite entre l’Himalaya et la chaîne de montagnes varisque (ou hercynienne) qui affleure dans le Massif Central français. La chaîne varisque résulte de la collision pendant le Carbonifère entre divers microcontinents formant aujourd’hui l’ossature de l’Europe et de l’Amérique du Nord avec le continent Gondwana et plus particulièrement son promontoire africain de l’époque. La Montagne Noire, à l’extrême Sud du Massif Central, est un haut lieu de la Géologie européenne étudié et visité par des générations de géologues depuis les années 50. C’est à cette époque que s’y est initiée une controverse particulièrement animée dont la communauté géologique a le secret. La question n’en était pas moins de savoir si, lors de la collision continentale, le Languedoc était monté vers le Nord par dessus le Massif Central ou si, à l’inverse, un haut-plateau centralien analogue au Tibet s’était avancé vers le Sud pour chevaucher le Languedoc. Depuis les années 70, l’hypothèse Sud tenait corde, d’autant plus qu’elle satisfaisait l’analogie himalayenne. Même si certains chercheurs perspicaces avaient pointé les faiblesses de cette hypothèse dans les années 80, le paradigme Sud s’est installé, sans toutefois satisfaire pleinement la communauté. En fait, les deux nœuds du problème restaient l’origine méridionale des sédiments déformés qui n’était pas compatible avec le modèle Sud et la fragilité des critères utilisés pour reconstituer le déplacement des terrains.

Evolution du coude de la faille des Cévennes de la Montagne Noire à la fin de la collision varisque. © D. Chardon, Teconophysics 2020

Une équipe du GET (CNRS, IRD, Université de Toulouse) a entrepris la première étude détaillée et intégrée qui révèle finalement les liens intimes entre déformation, déplacements et sédimentation lors de la collision varisque en Montagne Noire. Elle montre que les terrains ont été poussés vers le Nord, pendant un mouvement de coulissage (« décrochement ») le long de la faille des Cévennes. Ce résultat explique l’origine méridionale des terrains et intègre tous les critères de déformation dans un schéma cohérent de transpression (combinaison de raccourcissement par chevauchement et de décrochement). L’étude montre en outre que le sens de glissement le long de la faille des Cévennes s’est inversé par la suite, alors que la chaîne varisque acquérait sa forme finale arquée (« Arc ibéro-armoricain »). Le schéma de la collision varisque se trouve ainsi passablement modifié, faisant la part belle aux grands décrochements qui ont contribué à fragmenter la chaîne de montagnes en une mosaïque complexe.

Contacts. Dominique Chardon et Markus Aretz (GET)

Communiqué de Presse INSU

Sources :

Chardon, D., Aretz, M., Roques, D., 2020. Reappraisal of Variscan tectonics in the Southern French Massif Central.Tectonophysics, Volume 787, article n°228477

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