La traque aux métaux rares

Malgré le fait que les roches ignées alcalines représentent un faible pourcentage du volume de roches magmatiques terrestres, elles font l’objet d’un intérêt considérable, à la fois académique et industriel, en raison de leur minéralogie exotique et du fait que ces roches soient généralement enrichies en métaux rares (e.g. TR, Zr, Hf, Nb, Ta, Th, U), au point de représenter des gisements potentiellement exploitables. Parmi ces métaux rares, TR et Nb font partie de la liste des 20 matières premières dites « critiques » émise par la Commission Européenne en 2014 (Report on critical raw materials for Europe, 2014). Cette classification est basée à la fois sur l’importance économique que représente l’élément pour les filières industrielles européennes et sur les risques d’approvisionnement.
Du point de vue scientifique, les métaux rares sont considérés comme des éléments immobiles lors de l’interaction eau-roche, du fait de leur fort potentiel ionique et de leur faible électronégativité́ qui font qu’ils n’ont pas d’affinité́ avec les ligands communément présents dans les fluides géologiques. Il est donc couramment accepté que les gisements de ces métaux aient une origine magmatique primaire. Cependant, au cours de ces vingt dernières années, il a été́ mis en évidence plusieurs exemples de minéralisations de ce type où l’origine de la minéralisation est débattue entre primaire (magmatique) ou secondaire (hydrothermale).
Dans ce travail, nous avons pu démontrer le rôle fondamental des fluides aqueux dans la formation de la minéralisation en métaux rares dans le skarn d’Ambohimirahavavy. En particulier, nous avons étudié les échantillons de paleofluides piégés dans des microcavités dans les minéraux, ce qui nous a permis de reconstruire le processus de formation de cette minéralisation. En effet, les métaux rares sont initialement présents dans le magma. Toutefois, en fin de cristallisation, un fluide riche en chlore et fluor se sépare du magma; sa composition lui permet de mettre en solution les métaux et les transporter hors du magma, dans les roches calcaires avoisinantes. Cela se passe à des températures d’environs 450 °C, des pressions de 20 MPa, et des pH très acides, des conditions qui contrastent énormément avec celles des calcaires. Ces différences déclenchent donc des réactions chimiques qui changent les calcaires en skarn, et provoquent la précipitation des métaux rares sous forme de minéraux exotiques.

Référence :
Estrade G., Salvi S., Béziat D., Willams-Jones, A.E. (2015) Rare-metal mineralization in a peralkaline granite related skarn, Ambohimirahavavy alkaline complex, Madagascar, Economic Geology, v. 110, pp. 1485–1513
Contact : Stefano Salvi