Comment les isotopes de l’uranium peuvent aider à retracer l’histoire de l’oxygénation de la Terre?
Une étude récente révèle qu’il existe une signature isotopique de l’uranium spécifique aux environnements appauvris en oxygène. Cette découverte pourrait aider à mieux comprendre l’histoire de la coévolution entre la vie animale et l’oxygénation de la Terre. Depuis 15 ans, les scientifiques utilisent les signatures isotopiques de l’uranium pour étudier les conditions d’oxygénation des océans anciens. En effet, les sédiments déposés dans des océans oxygénés présentent une signature différente de ceux formés dans des océans dépourvus d’oxygène. Cependant, les environnements intermédiaires entre ces deux états ne sont pas encore bien compris. Une équipe de scientifiques a reproduit ces conditions intermédiaires en laboratoire, en observant l’oxydation partielle d’un minéral typique des milieux anoxiques, la mackinawite. Ils ont découvert une signature isotopique particulière dans ces conditions, ouvrant la voie à une meilleure compréhension des environnements dans lesquels la vie animale a pu émerger, il y a environ 600 millions d’années.
Une nouvelle étude montre que l’uranium a une signature isotopique spécifique dans des environnements appauvris en oxygène. La mesure de ces signatures dans des roches anciennes pourrait nous renseigner sur l’histoire de la coévolution entre la vie animale et l’oxygénation de la planète.
A quelques exceptions près, la surface terrestre est aujourd’hui riche en oxygène, depuis l’atmosphère jusque dans les fonds marins qui contiennent de l’oxygène dissout. Néanmoins, l’environnement marin est resté dépourvu d’oxygène (anoxique) pendant la majeure partie de l’histoire de la Terre. L’oxygène étant nécessaire à toute forme de vie animale, l’émergence de celle-ci est intimement liée à l’oxygénation des océans.

Depuis une quinzaine d’années, les signatures isotopiques en uranium (c’est-à-dire la distribution des atomes d’uranium en fonction de s’ils sont lourds ou légers) permettent aux scientifiques de reconstruire les conditions d’oxygénation dans des océans anciens, disparus depuis des centaines de millions d’années. En effet, les sédiments déposés sous des océans oxygénés n’ont pas la même signature isotopique que les sédiments déposés sous des océans anoxiques. En analysant la composition de ces roches sédimentaires anciennes, il est donc possible d’évaluer les conditions d’oxygénation dans lesquelles elles se sont formées.
Cependant, les zones appauvries en oxygène, c’est-à-dire intermédiaires entre les environnements oxiques et les environnements anoxiques, restent encore invisibles aux méthodes dont on dispose pour cette reconstruction. Une équipe de scientifiques a reproduit expérimentalement des conditions intermédiaires entre ces deux états, en suivant l’oxydation partielle de la mackinawite, un minéral noir à l’odeur de soufre, typique des milieux anoxiques. En analysant l’évolution de la composition isotopique de l’uranium pendant cette réaction, les scientifiques ont mis en évidence une signature isotopique spécifique à ces milieux. Cette étude affine nos méthodes pour retracer des conditions environnementales anciennes, et pourrait fournir une nouvelle clé pour interpréter les conditions dans lesquelles la vie animale a émergé, il y a environ 600 millions d’années.
Contact GET: Romain Guilbaud