Des péridotites, de l’eau et des basaltes : une recette simple pour fabriquer la croûte continentale
Une étude pluridisciplinaire impliquant des chercheurs français, allemands, américains et russes a permis d’établir les conditions physico-chimiques et les ingrédients nécessaires pour pouvoir former la toute première croûte felsique sur Terre et, probablement, sur Mars. Ce travail est publié dans Frontiers in Earth Science (Borisova et al., 2020 ; 2021). Les chercheurs ont procédé à des expériences en laboratoire afin comprendre les origines de notre croûte terrestre.
La croûte continentale terrestre se distingue par une composition fortement enrichie en Si, Al et métaux alcalins (une composition ‘felsique’). Mais quelle est l’origine de cette croûte ? Cette question a toujours fasciné les scientifiques mais aussi le grand public, d’autant plus qu’il n’existe aucune roche terrestre datant de l’Hadéen, c’est-à-dire les premiers 500 millions d’années de l’histoire de notre planète.
Une étude pluridisciplinaire impliquant des chercheurs français, allemands, américains et russes a permis d’établir les conditions physico-chimiques et les ingrédients nécessaires pour pouvoir former la toute première croûte felsique sur Terre et, probablement, sur Mars. Ce travail est publié dans Frontiers in Earth Science (Borisova et al., 2020 ; 2021). Les seuls témoins de cette « proto-croûte » sont des minéraux, les zircons détritiques, qui proviennent pour la plupart de Jack Hills en Australie.

Les chercheurs ont procédé à des expériences en laboratoire afin de reproduire les interactions magmas-roches-fluides aux conditions qui régnaient sur notre planète il y a plus de 4 milliards d’année. Ces expériences démontrent que la mise en contact de serpentinites (des péridotites hydratées) et de magma basaltique à une température >1200°C et une pression de 2 kbar (correspondant à des profondeurs de 6 km sur Terre) permet de produire des magmas de composition felsique qui pourraient être le prototype de la première croûte continentale sur la Terre et Mars. Ces processus auraient eu lieu peu après la solidification de la couche supérieure de ces planètes – qui étaient à l’origine recouvertes d’un océan magmatique de composition identique à celle du manteau, c’est-à-dire de nature péridotitique. Ils font suite à l’interaction de cette croûte péridotitique avec l’océan liquide primitif. En effet, sur Terre, comme sur Mars, l’eau liquide était présente quelques millions d’années après la formation de ces planètes.
Les chercheurs ont pu également établir les conditions physico-chimiques nécessaires à l’assimilation et l’interaction des roches serpentinisées par les liquides basaltiques, qui ont lieu actuellement dans la zone de transition entre le manteau et la croûte océanique appelée ‘Moho’. Ce nouveau modèle explique aussi la présence de corps plagio-granitiques (très riches en silice mais pauvres en potassium) observés dans le manteau océanique moderne – une question qui est également très controversée.
Ainsi, ce modèle d’interaction entre les roches serpentinisées et les magmas basaltiques propose une recette simple et efficace pour la fabrication de la croûte felsique aux profondeurs inferieurs à 10 km dans un contexte géodynamique qui ne nécessite pas la subduction de plaques – paradigme qui est couramment admis dans la plupart des modèles géodynamiques existants.