Premier lien laser aller-retour avec un orbiteur lunaire

La mesure de la distance Terre-Lune par télémétrie laser a fait l’objet de nombreuses tentatives depuis plus de 40ans. Une expérience récente dirigée par Pierre Exertier, chercheur CNRS GET/OMP, alors responsable de l’équipe de télémétrie de la station de télémétrie laser lunaire (LLR) à Grasse, a réussi la mesure de cette distance à une précision inégalée. Cette collaboration franco-américaine fructueuse ouvre des perspectives d’améliorations de la précision des constellations de satellites de positionnement, de navigation et d’observation de la terre et des océans.  

La détermination d’une distance Terre-Espace par mesure du temps d’aller-retour d’une impulsion laser très courte fut réalisée par le service d’Aéronomie du CNRS à l’Observatoire de Haute Provence en 1964 sur le satellite américain BEB, premier satellite équipé de trièdres réfléchissant le faisceau laser dans la direction incidente. Ce fut la première opportunité pour réaliser des mesures de distances par télémétrie laser à partir de stations (télescopes) au sol, technique appelée en anglais Satellite Laser Ranging (SLR).

La coopération franco-américaine fut essentielle pour les premières applications géodésiques ; l’équipe française du CNRS, avec des ingénieurs du CNES, présenta la première orbite calculée en utilisant les mesures de distances obtenues par laser sur plusieurs passages successifs du satellite. Ce fut un succès et le point de départ de nombreux développements technologiques et d’applications scientifiques touchant les secteurs de l’Astronomie Fondamentale, de la Terre Interne et de l’Océanographie de l’INSU.

Le « leadership » des « French laser Men » a de fait placé la France en position très favorable pour coordonner des expériences de poursuite de satellites équipés de réflecteurs laser par l’ensemble des stations qui se sont alors peu à peu développées dans différents pays. Dans ce contexte il y eut une action très importante en France, à savoir la création du CERGA (Centre d’études et de recherches géodynamique et astronomiques, URA puis UMR) sous la direction de Jean Kovalevsky (Académicien), qui débuta de manière opérationnelle à Grasse (Alpes Maritimes) en 1974 une nouvelle génération de stations laser de grande performance. Ceci a conforté la place occupée par la communauté française en Astronomie fondamentale et en Géodésie sur le plan international.

Le télémètre de Grasse, très performant et à même d’atteindre la distance Terre-Lune en aller-retour, a été utilisé pour tenter d’atteindre la petite sonde lunaire Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO) de la NASA.

Vue rapprochée du réseau de rétro-réflecteurs monté sur la sonde LRO © INSU

La réalisation de l’expérience a nécessité plus d’un an de travail, pendant lequel Pierre Exertier a coordonné plusieurs équipes dont celle du GSFC/NASA et celles du CNRS dont l’UMR Geoazur de l’OCA (Grasse) et l’UMR Syrte de l’OP (Paris). Finalement le 4 septembre 2018, le satellite LRO était dans une bonne orientation, le ciel parfait, les réglages du laser au point, les prévisions du passage de la sonde devant la Lune également, les premiers retours des tirs laser ont été détectés.

Cette expérience a montré qu’il est donc possible d’atteindre des cibles lointaines par un moyen optique (le laser), qui est bien plus précis (centimétrique) qu’un radar ou qu’une image prise sur fond d’étoiles. D’autres travaux ont débuté à Toulouse avec l’équipe du CNES, en 2019, soutenus par le Programme National GRAM (Gravitation, Références, Astronomie, Métrologie) animé par l’INSU.  Le but est d’utiliser la télémétrie laser sur la constellation des satellites de positionnement et de navigation GALILEO, afin d’en améliorer la trajectographie et de l’amener vers une précision centimétrique dont le bénéfice sera immense pour nombre d’applications scientifiques : non seulement un meilleur positionnement des stations au sol (voir le réseau RESIF conduit par le secteur Terre Interne) mais aussi une meilleure trajectographie des satellites bas d’Observation de la Terre et notamment des océans (type Jason du CNES et de la NASA et Sentinel de l’Agence européenne.

Lire l’actualité de l’INSU: https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/premier-lien-laser-aller-retour-avec-un-orbiteur-lunaire

Sources :

Erwan Mazarico, Xiaoli Sun, Jean-Marie Torre, Clément Courde, Julien Chabé, Mourad Aimar, Hervé Mariey, Nicolas Maurice, Michael K. Barker, Dandan Mao, Daniel R. Cremons, Sébastien Bouquillon, Teddy Carlucci, Vishnu Viswanathan, Frank G. Lemoine, Adrien Bourgoin, Pierre Exertier, Gregory A. Neumann, Maria T. Zuber & David E. Smith. 2020. First two-way laser ranging to a lunar orbiter: infrared observations from the Grasse station to LRO’s retro-reflector array – Earth Planets Space 72, 113. https://doi.org/10.1186/s40623-020-01243-w

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