Quand la relaxation visqueuse explique pourquoi un volcan n’entre pas en éruption

La surveillance, la prévision et la prévention des éruptions volcaniques passent principalement par une interprétation adéquate des signaux de déformation et sismicité, qui sont généralement associés aux mécanismes d’ascension et de stockage du magma sous les complexes volcaniques. Cependant et contrairement aux systèmes magmatiques basaltiques, les grands systèmes volcaniques siliceux peuvent accumuler de grands volumes de magma sur de longues périodes avant d’entrer en éruption. Laguna del Maule (LdM), situé au Sud du Chili, est l’un des grands systèmes volcaniques siliceux les plus actifs au monde avec plus de 50 éruptions depuis 25.000 ans. Sur ce site, la mise en place d’une intrusion magmatique a débuté en 2007 et a provoqué une inflation régionale inédite de l’ensemble du complexe de plus de 2 mètres, sans entraîner d’éruptions. Plusieurs études géophysiques et géochimiques suggèrent la présence d’un grand réservoir riche en cristaux sous ce complexe volcanique. Par ailleurs, de nombreuses études multidisciplinaires ont montré que de tels réservoirs riches en cristaux, communément appelés « bouillie cristalline » ou « mush » peuvent être maintenus à une température proche du solidus par des recharges récurrentes de magma mafique en base du réservoir à l’échelle de plusieurs dizaines de milliers d’années. Dans ce travail, nous avons caractérisé pour la première fois, les propriétés mécaniques d’un tel mush en utilisant une méthode 3D par éléments finis. Nous avons modélisé la mise sous pression d’une source de petite dimension située à la base d’une vaste zone de mush au comportement viscoélastique. Les résultats de nos inversions montrent que ce modèle permet d’expliquer l’évolution temporelle et spatiale des déplacements du sol mesurés par InSAR et GNSS, et suggèrent que deux contributions distinctes, l’une élastique et l’autre viscoélastique, conduisent à ces observations. Par rapport à une solution ne considérant que l’élasticité de l’encaissant, ce modèle indique que 50 % des déplacements observés depuis une décennie peut s’expliquer par la réponse visqueuse de la zone de mush et que les déplacements à LdM peuvent se poursuivre durant les cinquante prochaines années. Ces résultats amènent à reconsidérer le comportement mécanique de grands domaines partiellement cristallisés dans la croûte supérieure.

Sources :

C. Novoa, D. Remy, M. Gerbault, J.C. Baez, A. Tassara,L. Cordob, C. Cardon, C. Granger,S. Bonvalot F. Delgado (2019), Viscoelastic relaxation: a mechanism to explain the decennial large surface displacements at the Laguna del Maule volcanic complex, Earth and Planetary Science Letters, DOI:10.1016/j.epsl.2019.06.005

Plus d'actualités

Découverte de séismes longue période profonds sous les volcans du Massif central

Une étude récente, publiée dans Geophysical Research Letters, révèle des signaux sismiques atypiques sous les volcans du Massif central. Ces signaux, associés à la présence active de magma en profondeur, suggèrent […]

Comprendre la formation des roches rubanées riches en fer

Jusqu’à présent, les scientifiques considéraient que l’absence de microfossiles et la faible quantité de carbone organique dans les formations ferrifères rubanées, déposées il y a entre 2 et 3 milliards […]

Évaluer la qualité de l’air avec des plantes, oui mais pour quels éléments ?

Les plantes épiphytes, qui absorbent leurs nutriments exclusivement dans l’air, sont de bons indicateurs de la composition chimique des particules atmosphériques et sont souvent utilisées dans la littérature comme outils […]

Rechercher