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Dynamique géomorphologique de systèmes en déséquilibres : Cas de l’Aude (France) & Modélisations expérimentales
1 septembre 2021 @ 14h00 – 15h00 CEST
Soutenance de thèse de Léopold de Lavaissière
Il est maintenant reconnu que de nombreux réseaux hydrographiques à la surface de la Terre sont des systèmes transitoires, évoluant vers un état d’équilibre. Cette évolution se matérialise par des processus géomorphologique locaux maintenant bien connus tel que des captures ou des retraits de front d’érosion dans les profils de rivières (knickpoints), qui s’inscrivent souvent dans un contexte général de croissance de réseau. Malgré un relief relativement faible, le réseau hydrographique de l’Aude (France) montre de nombreuses évidences de mobilités et de déséquilibres, caractéristiques de tels systèmes transitoires. Bien que ces évidences soient reconnues depuis un siècle, aucune étude ne s’était proposée de caractériser cette dynamique à l’échelle du bassin. Nous présentons dans ce travail une étude intégrée du bassin de l’Aude sur la base de la caractérisation et la datation (Résonance Paramagnétique Électronique et isotopes cosmogéniques, 10Be et 26Al) de son système de terrasses. Les vitesses d’érosion moyennes ont également été estimées à partir de la mesure des concentrations en 10Be dans les sables des rivières. Il est complété par des expériences d’érosion de reliefs en laboratoire, développées pour étudier les dynamiques géomorphologiques en contexte de croissance de réseau hydrographique.La géométrie des terrasses fluviatiles de l’Aude permet de mettre en évidence un différentiel d’incision croissant d’aval (50 mm.ka-1) en amont (150 à 200 mm.ka-1) qui signe la croissance du réseau hydrographique de l’Aude au détriment des bassins versants Atlantique. Sur la base de 18 échantillons, 4 niveaux de terrasses sont datés (T3, T4, T5 et T7) et un modèle d’évolution du bassin de l’Aude de 730 ka à nos jours est proposé. Il décrit une croissance du réseau hydrographique de l’Aude non linéaire dans le temps, avec une accélération dans sa phase d’expansion vers 330 ka, marquée par la capture majeure d’un paléo-bassin drainant initialement vers l’Atlantique.Les cortèges de terrasses datés rendent compte d’une cyclicité de l’ordre de 100 ka dans leur formation et sont corrélés aux différents cycles climatiques (MIS 8, MIS 10, MIS 12 et MIS 18). Il apparaît ainsi que les étapes de croissance du réseau hydrographique de l’Aude soient fossilisées sous forme de terrasses lors des cycles climatiques du Quaternaire.Les taux d’érosion moyens ont été estimés (10Be) d’amont en aval le long de l’Aude, sur ces principaux affluents, ainsi que sur 3 bassins versants affluents de la Garonne. Les gammes de vitesses d’érosion moyennes (50 à 110 mm.ka-1) sont du même ordre de grandeur que les vitesses d’incision et leurs valeurs sont globalement cohérentes dans la partie avale de l’Aude. Cependant, les données de taux d’érosion semblent désigner le bassin capturé comme un système actuellement en relaxation. Cette dynamique se traduit à cet endroit par une ligne de crête stabilisée, au contraire de la partie amont de l’Aude qui présente un différentiel érosif (+30 mm.ka-1) au regard des bassins adjacents atlantiques, signe d’un déplacement de la ligne de partage des eaux Méditerranée-Atlantique toujours actif.En complément, des modélisations expérimentales ont été réalisées sur un dispositif permettant d’appréhender la dynamique de réseaux hydrographiques en contexte de croissance, soumis à une chute constante du niveau de base. La croissance des réseaux s’accompagne du retrait régulier de knickpoints autogéniques le long des profils de rivières dont la formation semble liée à la dynamique d’élargissement des rivières. Elle s’accompagne également de réorganisations importantes en aval, directement liées aux retraits des knickpoints, conduisant à l’abandon de vallées mortes, tel qu’observées actuellement dans la partie aval de l’Aude. Enfin, les sédiments déposés au pied des knickpoints forment au cours du temps des surfaces de sédimentation diachrone d’aval en amont, enregistrant par leur âge de dépôt la propagation du knickpoint dans le bassin.