Plongée dans les sources chaudes de la Nouvelle Calédonie

La serpentinisation est un processus naturel d’altération des silicates de fer et magnésium (olivines et pyroxènes constituants majeurs du manteau terrestre) par des fluides aqueux qui conduit à la précipitation de phases secondaires (serpentine, brucite, magnésite). L’oxydation des métaux contenus dans les minéraux et la réduction de l’eau produisent une phase gazeuse enrichie en hydrogène et méthane et des eaux à pH très élevé que l’on peut échantillonner dans des sections du plancher océanique charriées sur les continents (ophiolites). C’est le cas de la Nouvelle Calédonie  où les sources chaudes de la Baie de Prony (partie sud de la Grande Terre) situées sur l’estran ont été décrites par Jules Garnier dès 1874. Des cartes bathymétriques à haute résolution récemment levées ont permis de découvrir de nouvelles sources immergées qui ont été échantillonnées à l’automne  2011 lors de la mission HYDROPRONY sur le navire Alis à laquelle le GET a participé.

Ces eaux hyperalcalines (pH jusqu’à 11,2) sont d’origine météorique (salinité très faible, inférieure à 0,5 g/L) et de températures modérées (inférieures à 40°C). Elles se déversent à faible débit dans l’environnement marin du lagon et sont accompagnées d’un bullage de gaz dont la composition est dominée par l’azote et qui sont enrichis en hydrogène (jusqu’à 30%) et méthane. Une collaboration avec des biologistes de l’Institut Méditerranéen d’Océanographie (MOI) a permis de montrer qu’un tel environnement hyperalcalin héberge des microorganismes chimiolithotrophes qui utilisent le méthane et l’hydrogène pour leur développement.

A côté du problème de l’altération du plancher océanique et des bilans de matière entre la croûte océanique, le manteau et l’océan, l’étude de l’hydrothermalisme alcalin permet d’aborder des questions scientifiques très variées comme la production naturelle (inorganique ou biotique) d’hydrogène et de méthane, le stockage géologique du CO2 (carbonatation des péridotites), le développement d’une chimie prébiotique et l’émergence de la vie dans un environnement alcalin, anoxique et réducteur qui pourrait être un analogue des conditions de la Terre primitive, la stabilité à long terme des ciments dans le contexte du stockage des déchets radioactifs) ainsi que l’extension de la biosphère.

Référence :

Monnin, C., Chavagnac, V., Boulart, C., Ménez, B., Gérard, M., Gérard, E., Pisapia, C., Quéméneur, M., Erauso, G., Postec, A., Guentas-Dombrowski, L., Payri, C., Pelletier, B., 2014. Fluid chemistry of the low temperature hyperalkaline hydrothermal system of Prony Bay (New Caledonia). Biogeosciences 11, 5687-5706.

Contact : Christophe Monnin

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