Les plastiques PET (polyéthylène téréphtalate) comme cheval de Troie pour les radionucléides
Les déchets plastiques rejetés dans l’environnement interagissent avec certains polluants accentuant, ainsi, leurs impacts sur les écosystèmes et la santé humaine. Dans la présente étude, des radionucléides naturels (234Th, 226Ra and 210Pb, 228Ra, 228Th, 208Tl et 40K) et artificiels (137Cs) ont été identifiés à la surface de bouteilles de polyéthylène téréphtalate (PET) collectées au niveau des rejets littoraux d’une usine d’engrais phosphatés située à Gabès, sur la côte sud de la Tunisie. Les concentrations d’activité dans les bouteilles varient de 0,47 (208Tl) à 12,70 Bq·kg-1 (226Ra), avec une valeur moyenne de 5,30 Bq·kg-1. Les résultats montrent que le PET, chargé de radionucléides, peut potentiellement agir comme vecteur de leur transfert vers les êtres humains concourant à l’expression d’un nouveau risque sanitaire. Ainsi, la fragmentation des plastiques couplée à leur interaction avec les radioéléments, est susceptible d’entraîner une augmentation de l’exposition aux rayonnements des populations.
A l’image de l’œuvre cinématographique d’anthologie, « Le bon, la brute et le truand », les acteurs de cette nouvelle étude scientifique et « tragédie environnementale » tiennent chacun leur rôle. Dans celui du « bon », le golfe de Gabès (SE de la Tunisie) aux eaux limpides et poissonneuses baignant l’île de Djerba. Dans celui de la « brute », les radioéléments en provenance du phosphogypse, rejet radiochimique des usines de production d’engrais phosphatés installées sur la côte et dont l’utilisation reste indispensable pour la viabilité de l’agriculture intensive. Enfin, dans le rôle du « truand », le plastique qui fut considéré comme un progrès à certain moment de notre histoire mais qui est désormais vu comme un véritable fléau environnemental en lien avec sa dégradation, en particulier les classiques bouteilles en PET jetées dans les milieux naturels, à défaut d’être recyclées…

Le phosphogypse, déchet résultant de l’attaque à l’acide sulfurique du minerai de phosphate, est déversé dans la mer autour de la cité de Gabès, sans aucun traitement préalable, à raison de ⁓30 000 tonnes/jour soit plus de 500 millions de tonnes en un demi-siècle par les usines productrices d’engrais installées en 1972. Or, les phosphates contiennent, entre autres, des teneurs non négligeables en radionucléides des familles de l’uranium et du thorium. Ces déchets radioactifs en se combinant en mer avec les plastiques, constituent une bombe à retardement d’un point de vue de l’environnement et de la santé humaine. En effet, les analyses effectuées par l’équipe franco-tunisienne montrent que la surface de ces bouteilles se charge en radioéléments, via le phénomène d’adsorption, consécutivement à leur dégradation/fragmentation préalable sur le littoral. Les microplastiques qui en résultent se comportent comme autant d’agent de transport de ces radioéléments toxiques vers les différents maillons de la chaîne trophique, comme le montre le résumé graphique de cette étude. Ils jouent, alors, le rôle effectif de cheval de Troie pour les radionucléides en les concentrant à leur surface et en assurant leur transit vers les êtres humains via le processus d’ingestion des différents produits de la mer contaminés ou par simple inhalation de l’air marin « enrichi » en particules de microplastiques radioactifs.
Cette étude a été dédiée à la mémoire du Dr. François-Xavier d’Abzac (30.03.1983/28.10.2020) du Laboratoire de Biogéosciences de Dijon (France).