Uranium et thorium dans les sédiments côtiers de la partie centrale du Golfe de Gabès (SE de la Tunisie) : une contamination alarmante aux impacts environnementaux et sanitaires
La partie centrale du Golfe de Gabès (SE de la Tunisie) est l’un des sites les plus pollués chimiquement et radioactivement en Méditerranée, voire au niveau mondial, en raison des rejets massifs de phosphogypse et d’autres déchets industriels depuis plusieurs décennies (1972). Cette nouvelle étude analyse, pour la première fois, la distribution spatiale, le comportement géochimique et les risques environnementaux et sanitaires associés à l’accumulation d’uranium (U) et de thorium (Th) dans les sédiments côtiers. Les résultats révèlent une contamination alarmante, favorisée par les interactions avec la matière organique et la chimie des eaux marines (pH et teneurs en phosphate). L’étude souligne les menaces pour la biodiversité marine (paralysies, mortalité en masse et malformations) ainsi que les risques accrus pour la santé humaine (cancers, malformations congénitales, maladies cardiovasculaires, infertilité…). Des actions urgentes sont nécessaires pour limiter ces impacts et mettre en place des stratégies de gestion durable de cette zone naturellement vulnérable de la Méditerranée.
Cette étude récente, menée avec la participation de chercheurs de Géosciences Environnement Toulouse (GET), met en évidence la contamination préoccupante des sédiments côtiers de la partie centrale Golfe de Gabès (SE de la Tunisie) par l’uranium (U) et le thorium (Th), deux éléments radioactifs issus des rejets industriels de phosphogypse, un sous-produit radiochimique issu de la production de l’acide phosphorique, qui est déversé sans traitement en mer de Gabès depuis 1972, sous forme de bouillie gypseuse.

Les résultats révèlent une accumulation significative de ces deux éléments radioactifs dans les sédiments côtiers, particulièrement près de la zone de rejet des déchets industriels. La modélisation géochimique montre une corrélation positive entre U et Th indiquant une source commune (les déchets de phosphogypse) et des comportements géochimiques similaires (précipitation à partir de l’eau de mer). L’analyse géochimique montre que leur dispersion spatiale est fortement influencée par la proximité des émissaires côtiers des rejets industriels, l’impact des aménagements portuaires et l’enrichissement en matières organiques, auquel s’ajoute pour l’uranium, le faible pH et le niveau élevé en phosphore de l’eau de mer. Ces deux éléments sont piégés dans les sédiments côtiers, augmentant ainsi leur temps de résidence et leur potentiel de contamination de la chaîne alimentaire marine. Cette contamination représente une menace directe pour les écosystèmes marins, avec des graves effets souvent observés tels que la mortalité élevée de certaines espèces (exemple : la tortue caouanne (Caretta caretta), le goéland railleur (Chroicocephalus genei), le goéland leucophée (Larus michahellis), et le grand cormoran (Phalacrocorax carbo)) ainsi que des malformations pour d’autres espèces marines (exemple : le crabe bleu nageur (Portunus segnis) et le mulet doré (Liza aurata)). En outre, les risques pour la santé humaine sont également majeurs, avec une exposition potentielle à des pathologies graves, notamment des cancers (poumon, rein, prostate, os…), des maladies cardiovasculaires, ainsi que des troubles de la reproduction (stérilité, impuissance…) et du développement (malformations congénitales), avec une surmortalité prématurée observée en particuliers chez les habitants vivants à proximité des usines de transformation de phosphate à Gabès (Chatt Sidi Abd Essalam, Ghannouch et Bouchemma).
Face à cette situation, l’étude souligne l’urgence d’adopter des mesures d’interdiction des rejets industriels de phosphogype (et des autres déchets industriels), d’améliorer la surveillance environnementale et de développer des solutions de gestion durable pour limiter l’impact de cette pollution sur l’environnement et les populations locales.
Contacts GET: Michel Grégoire et Sylvie Castet