Les phosphates sédimentaires : Qu’est-ce que l’on date réellement ?
Une meilleure compréhension de la dynamique temporelle de mise en place des gisements phosphatés du Maroc permettrait une évaluation correcte des potentiels. Dans ce contexte, une équipe multidisciplinaire internationale cordonnée par Jérémie Aubineau, chercheur CNRS du laboratoire Géosciences Environnement Toulouse, a publié des résultats inédits sur l’utilisation de la méthode dite uranium-plomb pour dater la mise en place des dépôts phosphatés. Cette approche ne permet pas d’obtenir l’âge des dépôts mais renseigne plutôt sur les mécanismes géologiques locaux et régionaux qui ont eu lieu jusqu’à 40 millions d’années après la formation des grains phosphatés.
En dépit des enjeux économiques, environnementaux et scientifiques des gisements de phosphates au Maroc, le manque de datations précises de ces sédiments empêche la corrélation des différents bassins de phosphate ainsi que la compréhension fine des processus spatio-temporels à l’œuvre lors la formation des dépôts phosphatés.

Dans un article récemment publié, une équipe de scientifiques de France, du Maroc et du Royaume-Uni démontre que les dates géochronologiques U-Pb de grains de phosphates de plusieurs bassins sédimentaires du Maroc sont systématiquement plus jeunes de 25 à 40 millions d’années que l’âge stratigraphique attendu. Les auteurs estiment qu’au moins deux mécanismes géologiques sont responsables de la fermeture du système U-Pb des grains phosphatés sédimentaires. Ainsi, la diagenèse d’enfouissement et l’émersion régionale généralisée du nord-ouest du Maroc auraient inhibé les interactions entre les fluides et les grains phosphatés, ce qui aurait permis aux minéraux de se comporter comme un système clos, sans ajout ou perte d’uranium et de plomb.
Les minéraux phosphatés sédimentaires doivent donc être utilisés avec précaution pour dater les processus spatio-temporels responsables de la formation des gisements phosphatés.