Teneur en mercure dans le thon : vérifier la taille, l’espèce et l’origine !

Le mercure s’infiltre dans notre alimentation par la consommation de poissons comme le thon. Émis dans l’atmosphère par le volcanisme mais surtout par des activités humaines telles que la combustion de charbon ou l’orpaillage 1 , le mercure gazeux se dépose en effet progressivement dans les océans où une fraction y est convertie en méthylmercure. Celui-ci s’intègre alors, dans toute la chaîne alimentaire, du plancton jusqu’aux grands prédateurs comme le thon. Or le méthylmercure est une neurotoxine, une substance toxique pour le système nerveux central. Les risques pour la santé sont tout particulièrement élevés pour le fœtus et les jeunes enfants. La connaissance des niveaux de concentrations, et de l’origine du méthylmercure présent dans ce poisson très consommé, constitue donc un enjeu de santé publique d’importance.

Des seuils sanitaires rarement dépassés

Dans ce contexte, des chercheurs de l’IRD ont sollicité l’accès à une base d’échantillons mise en place par la Communauté du Pacifique (CPS), une organisation internationale qui vise au développement durable des pays océaniens. Ainsi, depuis 2001, des prélèvements de chair de thons capturés dans une large zone allant de l’Australie à la Polynésie française sont récupérés sur les bateaux de pêche par des observateurs qui recueillent aussi les informations sur la prise : sa taille, son espèce mais aussi le lieu et la date de la pêche. « Ces échantillons nous ont permis d’étudier la variation de la concentration en mercure de plusieurs espèces du Pacifique : le thon obèse, l’albacore et le thon germon  », explique Anne Lorrain, spécialiste en écologie marine au LEMAR.

Sans surprise, les plus fortes concentrations en mercure sont retrouvées dans les spécimens les plus grands 2 , ce composé s’accumulant naturellement en fonction de la taille et de l’âge des thons. Toutefois les seuils sanitaires préconisés sont rarement dépassés. Seuls 1% des prises d’albacore et de thons germons et 11% des thons obèses, et qui concernent principalement les plus gros individus (>1m), affichent des concentrations supérieures aux niveaux maximums recommandés 3 . « Au vu des bénéfices nutritionnels avérés, notamment les apports en oméga-3 qui préviennent certaines maladies cardiovasculaires, il ne faut pas bannir la consommation de thon mais seulement la modérer » , affirme Anne Lorrain.

L’importance de la profondeur

© SPC/S. Fukofuka, À bord d’un senneur, un observateur embarqué du programme d’observateurs de Papouasie Nouvelle-Guinée mesure des poissons.

Les chercheurs ont aussi observé des différences de niveaux de mercure entre les espèces, le thon obèse présentant des concentrations plus importantes que l’albacore ou le germon. De plus, au sein d’une même espèce, les taux de mercure peuvent varier du simple au triple, voire plus, en fonction de l’origine géographique du thon pêché. « Nous pensons que la profondeur à laquelle se nourrissent les thons a un impact important sur leur concentration en mercure  »,explique l’écologue. Les thons obèses sont en effet connus pour se nourrir plus bas que les autres espèces, et ce, d’autant plus si la température de l’eau le permet. C’est par exemple le cas au sud de l’équateur, autour de la Nouvelle-Calédonie et des îles Fidji, où les eaux, plus homogènes, présentent une même température sur une plus grande profondeur. Or, « les eaux les plus éloignées de la surface sont moins oxygénées et plus propices au développement de bactéries capables de transformer le mercure des océans en méthylmercure  », explique David Point, géochimiste au laboratoire Geosciences Environnement Toulouse (GET). Les chercheurs veulent désormais confirmer ces résultats en réalisant des études complémentaires dans les océans Indien et Atlantique. Avec toujours pour objectif de mieux évaluer les risques et les bénéfices de la consommation de thon capturé dans un lieu donné.

lien vers l’article IRD

Date : 29/01/2019

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