Maladies Diarrhéiques en milieu tropical humide : quels facteurs déclenchants ?

Bien qu’en diminution, les maladies diarrhéiques tuent plus d’un million de personnes chaque année à travers le monde. Dans les zones montagneuses du Sud-Est Asiatique, par exemple dans le Nord du Laos, les changements rapides d’usages des terres augmentent le ruissellement, l’érosion et la dissémination des bactéries pathogènes. Dans cet article, notre hypothèse était que les facteurs environnementaux, combinés aux facteurs anthropiques, contrôlent l’incidence des diarrhées, soit parce que l’augmentation du ruissellement en saison des pluies augmente la contamination bactérienne dans les cours d’eau, soit parce que la raréfaction de l’eau en saison sèche oblige les populations à délaisser leur source d’eau privilégiée pour des sources moins saines.

Facteurs déclenchants des maladies diarrhéiques en milieu tropical

Cette étude pluridisciplinaire est le fruit d’une collaboration étroite entre les laboratoires GET, iEES Paris et MIVEGEC, et des partenaires au Laos : le Ministère de l’Agriculture et de la Forêt et l’IFMT. Nous avons analysé les séries temporelles des visites dans les hôpitaux de la région de Luang Prabang (Nord Laos) et des variables météorologiques et hydrologiques (dont l’indicateur de contamination fécale Escherichia coli) mesurées à l’échelle de deux bassins versants instrumentés dans le cadre de l’Observatoire MSEC. Nous les avons combinées à une étude sociologique des représentations et pratiques de gestion de l’eau des populations.

Cette étude combinée montre que la contamination bactérienne est ubiquitaire et constante tout au long de l’année, avec des concentrations en E. coli de l’ordre de 100-1000 MPN/100 mL.

En saison sèche, lorsque les puits municipaux sont asséchés, les populations utilisent les eaux de surface pour de multiples usages (boisson, cuisine, hygiène corporelle, baignade, …). Les populations n’ignorent pas la qualité moindre de la rivière par rapport à d’autres sources, mais ne perçoivent pas le danger lié aux contaminants fécaux ni leur propre responsabilité dans la contamination, comme le rejet des eaux usées dans la rivière. Les épidémies de diarrhées sont ainsi déclenchées chaque année en saison sèche par la pénurie d’eau et stoppées à l’arrivée de la saison des pluies par le remplissage des réservoirs souterrains.

Les facteurs anthropiques sont donc au moins aussi importants que les facteurs hydro-climatiques pour déterminer l’apparition des épidémies de diarrhées.

 Dans un contexte de changement global la disponibilité d’une ressource en eau saine est d’autant plus menacée que les précipitations plus intenses combinées à l’extension d’usages des terres favorisent l’érosion, diminuent la recharge des réservoirs naturels et la rétention des pathogènes sur les versants.
Pour la mise en place d’un système d’alerte, le suivi de la hauteur des nappes apparait comme étant une méthode pertinente et peu onéreuse à mettre en œuvre au Sud. Le contrôle du risque sanitaire ne sera cependant possible qu’avec l’extension des campagnes de prévention des diarrhées et la mise en place de systèmes d’assainissement.

Reference bibliographique :

Boithias L., Choisy M., Souliyaseng N., Jourdren M., Quet F., Buisson Y., Thammahacksa C., Silvera N., Latsachack K., Sengtaheuanghoung P., Pierret A., Rochelle-Newall E., Becerra S., and Ribolzi O. 2016. Hydrological regime and water shortage as drivers of the seasonal incidence of diarrheal diseases in a tropical montane environment. PLOS Neglected Tropical Diseases: DOI:10.1371/journal.pntd.0005195
http://journals.plos.org/plosntds/article?id=10.1371/journal.pntd.0005195

Contacts: Laurie BOITHIAS, Olivier RIBOLZI, Sylvia BECERRA

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